Selon l'article 35, §1er, 1° de la loi du 18 septembre 2017, une opération atypique est :
"Une opération qui n'est pas cohérente par rapport aux caractéristiques du client, à l'objet et à la nature de la relation d'affaires ou de l'opération concernée, ou au profil de risque du client et qui, de ce fait, est susceptible d'être liée au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme."
La détection d'une opération atypique n'implique pas automatiquement une déclaration à la CTIF. Elle nécessite une analyse approfondie préalable pour déterminer si l'opération est susceptible d'être liée au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme.
Les indicateurs d'alerte sont des signaux qui doivent attirer l'attention du comptable et déclencher une vigilance accrue. Ils sont regroupés en 5 catégories principales :
Un indicateur isolé n'est généralement pas suffisant pour conclure au caractère suspect d'une opération. C'est souvent la combinaison de plusieurs indicateurs qui doit éveiller les soupçons et déclencher une analyse approfondie.
Un nouveau client dirige une petite entreprise de commerce de détail. Il reste vague sur l'origine de ses fonds propres importants, change fréquemment de version quand on l'interroge et insiste pour réaliser rapidement plusieurs investissements immobiliers sans se soucier de leur rentabilité. Il a changé trois fois de comptable en deux ans et refuse de fournir ses anciens dossiers comptables.
Une société de commerce importe des marchandises à un prix très supérieur au marché (surfacturation), puis les vend à perte à des sociétés liées. Les paiements sont systématiquement fractionnés en montants inférieurs à 10.000€.
Une entreprise reçoit d'importantes sommes d'argent pour des "prestations de conseil" mal définies et difficilement vérifiables, en provenance de sociétés établies dans des juridictions à risque, puis transfère immédiatement ces sommes vers d'autres comptes.
La détection de ces indicateurs doit conduire à une analyse approfondie de la cohérence économique des opérations et de la documentation disponible pour les justifier.
L'analyse des opérations atypiques suit un processus cyclique comprenant plusieurs étapes clés, qui doivent être documentées de manière précise :
L'analyse doit être réalisée avec objectivité, en évitant tout préjugé. Une opération n'est pas suspecte du simple fait qu'elle est atypique - elle doit présenter des indices de blanchiment après analyse approfondie.
L'article 45, §2 de la loi du 18 septembre 2017 exige :
"Les entités assujetties rédigent un rapport écrit sur l'analyse des opérations atypiques [...]. Ce rapport est rédigé sous la responsabilité des personnes visées à l'article 9, §2."
Le rapport et les documents justificatifs doivent être conservés pendant 10 ans à compter de la fin de la relation d'affaires avec le client ou de la date de l'opération occasionnelle.
Situation : Une SRL récemment créée achète plusieurs biens immobiliers à des prix très supérieurs au marché sans financement bancaire identifiable.
Situation : Une entreprise reçoit et paie régulièrement des factures importantes pour des "services de conseil" vagues, provenant de sociétés établies dans des juridictions à fiscalité privilégiée.
Situation : Une société belge importe des marchandises à prix élevé puis les revend rapidement à perte à des entreprises liées, avec de nombreux intermédiaires dans le processus.
Situation : Un client reçoit de multiples virements fractionnés sur son compte professionnel, suivis de retraits en espèces importants, sans lien apparent avec son activité déclarée.
Dans tous les cas, il est essentiel de documenter l'ensemble du processus d'analyse de manière détaillée, en précisant les questions posées, les réponses obtenues, les documents examinés et le raisonnement qui a conduit à la conclusion.