Pour les comptables belges, conformément à la loi du 18 septembre 2017
Définition d'une opération atypique (article 35, §1er, 1° de la loi) :
Une opération qui n'est pas cohérente par rapport aux caractéristiques du client, à l'objet et à la nature de la relation d'affaires ou de l'opération concernée, ou au profil de risque du client et qui, de ce fait, est susceptible d'être liée au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme.
La loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme impose aux comptables, en tant qu'entités assujetties (article 5, §1, 24°), plusieurs obligations concernant les opérations atypiques :
Concrètement, vous êtes légalement tenu de :
Important :
Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions administratives allant de 250 € à 1.250.000 € (article 132 de la loi), ainsi que d'éventuelles sanctions disciplinaires de l'ITAA.
L'analyse d'une opération atypique doit suivre une méthodologie rigoureuse pour garantir une évaluation objective et complète. Voici les étapes clés du processus :
Identification d'une opération qui semble inhabituelle sur base des indicateurs d'alerte (red flags) et du profil client établi.
Rassembler toutes les informations pertinentes concernant le client et l'opération.
Examiner la cohérence de l'opération avec :
Approfondir l'analyse en utilisant différentes sources d'information (voir section 3).
Appliquer les critères d'évaluation (voir section 4) pour déterminer si l'opération pourrait être liée au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme.
Documenter l'analyse effectuée et ses conclusions dans un rapport écrit.
Décider, sur base de l'analyse, s'il y a lieu d'effectuer une déclaration à la CTIF ou de classer le dossier sans suite.
Conseil pratique :
Privilégiez une approche méthodique et documentez chaque étape de votre analyse, même lorsque vous ne disposez que d'informations partielles. La qualité de l'analyse est plus importante que sa quantité.
Pour mener une analyse approfondie des opérations atypiques, vous devez exploiter différentes sources d'information. Voici les principaux moyens de recherche à votre disposition :
Attention :
Conformément à l'article 55 de la loi, vous ne pouvez pas informer le client qu'une analyse est en cours concernant une éventuelle déclaration à la CTIF. Soyez donc vigilant dans la formulation de vos demandes d'informations complémentaires.
Il est recommandé de conserver les preuves de vos recherches (captures d'écran, copies des documents consultés, etc.) pour les joindre au rapport d'analyse.
L'évaluation d'une opération atypique repose sur plusieurs critères qui, pris isolément ou combinés, peuvent indiquer un risque potentiel de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme :
Catégorie de critères | Éléments à évaluer |
---|---|
Cohérence économique |
|
Complexité inhabituelle |
|
Profil des intervenants |
|
Circonstances de l'opération |
|
Mode de financement |
|
L'évaluation doit être réalisée selon une approche basée sur les risques, en tenant compte de plusieurs facteurs concomitants :
Conseil d'analyse :
Cherchez à comprendre le "pourquoi" de l'opération plutôt que simplement le "comment". C'est souvent dans la justification économique que résident les indices les plus révélateurs.
Conformément à l'article 9, §2 de la loi du 18 septembre 2017, l'AMLCO (Anti-Money Laundering Compliance Officer) joue un rôle central dans l'analyse des opérations atypiques :
Structure selon la taille du cabinet :
Dans le processus d'analyse des opérations atypiques, l'AMLCO doit :
1. Recevoir les signalements d'opérations atypiques des collaborateurs
2. Établir des priorités selon le niveau de risque et l'urgence
3. Coordonner la collecte d'informations supplémentaires
4. Mener ou superviser l'analyse approfondie
5. Valider le rapport d'analyse et ses conclusions
6. Prendre la décision finale concernant la déclaration à la CTIF
7. Assurer la confidentialité du processus
8. Documenter toutes les étapes et décisions
Important :
L'AMLCO doit établir un rapport annuel de ses activités, conformément au point 2.6 de la norme de l'ITAA du 31 mars 2020. Ce rapport doit notamment mentionner le nombre d'opérations atypiques analysées et les suites qui y ont été données.
À l'issue de l'analyse approfondie d'une opération atypique, l'AMLCO doit prendre une décision cruciale : classer le dossier sans suite ou effectuer une déclaration de soupçon à la CTIF.
Standard de preuve :
La loi n'exige pas de certitude quant à l'origine illicite des fonds ou à l'intention criminelle. Un simple soupçon suffit pour déclencher l'obligation de déclaration (article 47 de la loi).
1. Préparer une déclaration complète contenant toutes les informations requises par l'article 51 de la loi
2. Transmettre la déclaration à la CTIF via le système de déclaration en ligne sécurisé
3. Répondre aux éventuelles demandes complémentaires de la CTIF
4. Conserver une copie de la déclaration et de l'accusé de réception
5. Réévaluer la relation d'affaires (article 22 de la norme ITAA)
6. Décider du maintien ou de la fin de la relation d'affaires
7. En cas de maintien, mettre en place des mesures de vigilance adaptées
Interdiction d'information :
L'article 55 de la loi interdit formellement d'informer le client ou des tiers qu'une déclaration a été faite à la CTIF ou qu'une analyse est en cours à ce sujet.
La législation anti-blanchiment impose plusieurs délais à respecter dans le cadre de l'analyse des opérations atypiques :
Étape | Délai | Base légale |
---|---|---|
Analyse des opérations atypiques | Dans les plus brefs délais Pas de délai fixe, mais doit être réalisée avec diligence |
Article 45, § 1er |
Déclaration à la CTIF en cas de soupçon | Immédiatement Dès que le soupçon est établi |
Article 47 |
Déclaration à la CTIF en cas d'indices de financement du terrorisme | Immédiatement Urgence absolue |
Article 47 |
Réponse aux demandes complémentaires de la CTIF | Dans le délai fixé par la CTIF Généralement entre quelques jours et quelques semaines |
Article 48 |
Conservation du rapport d'analyse | 10 ans À partir de la fin de la relation d'affaires ou de l'opération effectuée à titre occasionnel |
Article 60 |
Attention :
L'absence de délai fixe pour l'analyse ne doit pas conduire à des retards injustifiés. Une analyse trop tardive pourrait être considérée comme un manquement à vos obligations professionnelles, surtout si elle conduit à l'impossibilité de prévenir une opération suspecte.
Il est recommandé de mettre en place un système interne de suivi des analyses en cours pour s'assurer qu'elles sont traitées dans des délais raisonnables :
Conformément à l'article 46 de la loi du 18 septembre 2017, toute analyse d'opération atypique doit être documentée dans un rapport écrit, quelle que soit la conclusion de l'analyse (déclaration à la CTIF ou classement sans suite).
1. INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Référence du dossier : [Référence]
- Date de détection de l'opération atypique : [Date]
- Date de l'analyse : [Date]
- Analyste : [Nom et fonction]
2. IDENTIFICATION DU CLIENT
- Nom/Dénomination : [Nom]
- Numéro d'identification : [BCE/NN]
- Profil de risque établi : [Faible/Standard/Élevé]
- Relation d'affaires depuis : [Date]
3. DESCRIPTION DE L'OPÉRATION ATYPIQUE
- Nature de l'opération : [Description]
- Date de l'opération : [Date]
- Montant concerné : [Montant]
- Parties impliquées : [Description]
- Caractéristiques atypiques détectées : [Description détaillée]
4. ANALYSE EFFECTUÉE
- Sources d'information consultées : [Liste]
- Recherches effectuées : [Description]
- Documents examinés : [Liste]
- Informations complémentaires recueillies : [Description]
- Analyse des explications éventuelles du client : [Description]
5. ÉVALUATION ET CONCLUSIONS
- Cohérence avec le profil du client : [Évaluation]
- Justification économique ou légale : [Évaluation]
- Indices de blanchiment ou de financement du terrorisme : [Description]
- Conclusion de l'analyse : [Détail argumenté]
6. DÉCISION
- Décision prise : [Déclaration à la CTIF / Classement sans suite]
- Justification de la décision : [Motivation]
- Date de la déclaration (le cas échéant) : [Date]
- Référence de la déclaration (le cas échéant) : [Référence]
- Mesures complémentaires éventuelles : [Description]
7. VALIDATION
- Date : [Date]
- Nom et signature de l'AMLCO : [Signature]
Important :
Le rapport d'analyse doit être rédigé de manière claire et objective, en documentant toutes les étapes du raisonnement qui ont conduit à la décision finale. Il constitue une protection juridique pour le professionnel en cas de contrôle ultérieur.