Contexte
La limitation des paiements en espèces constitue un pilier essentiel du dispositif anti-blanchiment, visant à réduire les transactions anonymes et à faciliter la traçabilité des flux financiers.
Objectifs
Réduire l'utilisation des espèces dans l'économie légale pour limiter les possibilités de réintroduction d'argent d'origine illicite dans le circuit économique légal.
Rôle des comptables
Les professionnels du chiffre jouent un rôle crucial dans la détection du non-respect des limitations d'utilisation des espèces et le conseil aux clients sur les règles applicables.
Risques
L'utilisation excessive d'espèces est souvent un indicateur d'alerte important dans le cadre de la détection d'opérations atypiques potentiellement liées au blanchiment.
Articles 66 et 67 de la loi du 18 septembre 2017
Ces articles constituent la base légale des restrictions sur l'utilisation des espèces en Belgique, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Contrôle par le SPF Économie
Le respect de ces limitations est contrôlé par le Service Public Fédéral Économie, qui dispose de pouvoirs d'investigation et de sanction spécifiques.
Évolution de la législation
La limite des paiements en espèces a été progressivement abaissée : 15.000 € (jusqu'en 2012), puis 5.000 € (2012-2014), 3.000 € (depuis 2014).
Approche hiérarchique des règles
La loi établit une hiérarchie de règles à appliquer dans un ordre précis, avec des restrictions spécifiques selon la nature des transactions.
Les paiements ou les dons en espèces ne peuvent être effectués ou reçus que pour un montant maximum de 3.000 euros.
Cette limite s'applique que la transaction soit effectuée en une fois ou via plusieurs opérations qui semblent liées.
Calcul du seuil
Le seuil de 3.000 € s'applique au montant total de la transaction, et non à l'acompte ou au paiement partiel.
Fractionnement artificiel
La division artificielle d'une transaction en plusieurs opérations pour contourner la limite est interdite et considérée comme du "schtroumpfage".
Application aux dons
La limite de 3.000 € s'applique également aux dons en espèces, qu'il s'agisse d'un don unique ou de plusieurs dons liés.
Immobilier : interdiction totale
Lors de la vente d'un bien immobilier, aucun paiement en espèces n'est autorisé. Le paiement doit s'effectuer uniquement par virement ou chèque.
Métaux précieux : interdiction totale en B2B
L'achat/vente de métaux précieux, vieux métaux ou câbles de cuivre entre professionnels ne peut jamais être payé en espèces.
Achat de métaux précieux/cuivre aux consommateurs
L'achat par un professionnel à un consommateur de métaux précieux, vieux métaux ou câbles de cuivre ne peut jamais être payé en espèces.
Ventes publiques
Les paiements en espèces sont limités à 3.000 € pour les ventes publiques sous la supervision d'un huissier de justice.
Hiérarchie d'application des règles
Transactions entre consommateurs (C2C)
Aucune limitation des paiements en espèces ne s'applique aux transactions entre particuliers (sauf vente d'immeubles).
Opérations avec des institutions financières
Les transactions en espèces avec certaines institutions financières comme les banques ne sont pas soumises aux limitations.
Établissements de crédit et compagnies d'assurance
Les dépôts et retraits d'espèces auprès des établissements de crédit ne sont pas soumis aux limitations des articles 66 et 67.
Type de transaction | Limitation |
---|---|
Transactions entre consommateurs | Aucune limitation |
Opérations avec institutions financières | Aucune limitation |
Vente immobilière (tous cas) | Interdiction totale d'espèces |
Autres transactions B2B/B2C | Limite de 3.000 € |
Devoir de vigilance
Le comptable doit être attentif au respect des limitations d'espèces dans les opérations de ses clients et dans les documents comptables qu'il traite.
Devoir de conseil
Information et sensibilisation des clients sur les restrictions légales en matière d'utilisation d'espèces et les conséquences de leur non-respect.
Obligation de déclaration
En cas de soupçon que des paiements en espèces au-delà des seuils légaux sont liés au blanchiment ou au financement du terrorisme, le comptable doit effectuer une déclaration à la CTIF.
Documentation
Conserver les preuves des conseils donnés aux clients concernant les limitations d'espèces, notamment en cas de risque identifié.
1. Identification des transactions en espèces dans la comptabilité
2. Vérification du respect des seuils légaux
3. Information du client sur les irrégularités identifiées
4. Analyse des indices de blanchiment potentiel
5. Déclaration à la CTIF si soupçon de BC/FT
Amendes pénales
En cas de paiement ou de don en espèces au-delà des montants autorisés, une amende pénale de 2.000 à 1.800.000 euros peut être appliquée (décimes additionnels inclus).
Transaction administrative
Possibilité d'une transaction administrative pour éviter les poursuites pénales (article 137 de la loi du 18 septembre 2017).
Responsabilité partagée
Les sanctions s'appliquent tant à celui qui effectue le paiement qu'à celui qui le reçoit, les deux parties étant également responsables.
Contrôle par le SPF Économie
Le SPF Économie est chargé de contrôler le respect des limitations d'espèces et dispose de pouvoirs d'investigation étendus.
Le comptable qui constate des paiements en espèces dépassant les seuils légaux dans la comptabilité de son client doit :
Procédures internes
Inclure dans les procédures internes du cabinet un volet spécifique sur la détection des paiements en espèces excédant les limites légales.
Formation des collaborateurs
Former l'ensemble des collaborateurs aux limitations légales d'utilisation des espèces et aux indices de fractionnement artificiel des paiements.
Communication avec les clients
Intégrer une information sur les limitations d'espèces dans la lettre de mission ou dans un document d'information spécifique remis au client.
Système d'alerte
Mettre en place un système d'alerte dans les logiciels comptables pour détecter automatiquement les paiements en espèces importants ou récurrents.
Check-list de contrôle
Intégrer dans la check-list de contrôle des dossiers clients une vérification spécifique du respect des limitations d'espèces.
Documentation des actions
Documenter systématiquement les conseils donnés aux clients en matière de limitations d'espèces et les mesures prises en cas de détection d'irrégularités.